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Vol. 58 - n°1 (janvier-mars 2016)


Le numéro est désormais consultable en texte intégral sur http://sdt.revues.org/274


Éditorial

In Memoriam Claude Dubar
— par Didier Demazière

Articles

La politique de l’ambiguïté juridique. Quand l’État tente de réguler les échanges entre la grande distribution et ses fournisseurs — Sebastian Billows

Le crédit des gestionnaires. Les contrôleurs de gestion de Pôle emploi entre conviction et prescription — Jean-Marie Pillon

Les dimensions cachées du travail en open space. Le cas de téléconseillers en centres d’appels — Jérôme Cihuelo

Comptes rendus


Articles

La politique de l’ambiguïté juridique. Quand l’État tente de réguler les échanges entre la grande distribution et ses fournisseurs

The Politics of Legal Ambiguity : Regulating Business Relations between Supermarket Chains and their Suppliers

Sebastian Billows

Résumé

Cet article analyse vingt ans d’intervention étatique dans les relations entre la grande distribution et ses fournisseurs en traitant simultanément la production des lois et leur mise en application. Centré sur la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), une direction centrale du ministère de l’Économie, le récit entend restituer à la fois le travail d’élaboration des lois par l’administration et les opérations de mise en conformité des enseignes de distribution. L’administration a délibérément créé de l’incertitude juridique pour protéger les fournisseurs de la grande distribution. Ce recours à l’incertitude juridique contre des acteurs économiques réputés plus puissants est un résultat original au regard de la littérature en sociologie du droit. Toutefois, après une dizaine d’années, cette stratégie n’a plus eu le même succès. La DGCCRF a souffert de la concurrence avec d’autres acteurs publics souhaitant intervenir dans ce domaine et les grandes enseignes de la distribution sont parvenues à appliquer formellement les nouvelles règles, sans pour autant changer leurs pratiques à l’égard des fournisseurs.

Mots clés : Droit ; Professions juridiques ; Grande distribution ; Concurrence ; Administration publique ; Régulation.

Abstract

This paper analyses twenty years of state intervention in the business relations between french supermarket chains and their suppliers, considering both the making of the regulations and their implementation. The narrative focuses on the Ministry of Economics department responsible for economic competition and consumer protection (DGCCRF : “Direction générale de la concurrence, de la consummation et de la répression des fraudes”). The paper studies how bureaucrats drafted new laws and how supermarket chains complied with them. In order to protect suppliers, DGCCRF deliberately created legal uncertainty. The successful use of legal uncertainty against supposedly more powerful economic players is an original case according to sociology of law. Halfway through the twenty-year period, however, the effectiveness of this strategy of legal uncertainty sharply decreased. Two explanations for this decline in effectiveness are examined. First, DGCCRF faced competition from other bureaucratic bodies, which promoted different regulatory projects for the retail sector. Second, supermarket chains gradually learned how to comply with the regulations on a formal level, without altering their actual business conduct with their suppliers.

Keywords : Law ; Lawyers ; Retail ; Anti-Trust Policies ; Public Administration ; Regulation.

DOI : 10.1016/j.soctra.2015.12.001

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Le crédit des gestionnaires. Les contrôleurs de gestion de Pôle emploi entre conviction et prescription

Management Accountants and their Persuasive Power in French Employment Services : Convince or Impose ?

Jean-Marie Pillon

Résumé

Bien que l’idée d’une mise en gestion de l’action publique soit aujourd’hui très répandue, le travail des contrôleurs de gestion des administrations publiques françaises est peu connu. Au sein de « Pôle emploi », ces contrôleurs ont pour mission de mesurer l’efficacité de l’établissement. Officiellement dénués d’autorité hiérarchique, ils construisent une description objectivante de l’environnement et du fonctionnement de Pôle emploi, qu’ils proposent aux managers sous la forme de tableaux de bord. En prenant pour objet le travail qu’imposent les recompositions gestionnaires des administrations, nous montrons que dans le cas de Pôle emploi, l’influence des contrôleurs de gestion dépend de la possibilité de mesurer les produits de l’établissement, qui dépend elle-même de leur capacité à légitimer une vision du monde gestionnaire auprès des acteurs qui ont effectivement le pouvoir de décider. S’appuyant sur la comparaison des résultats des différentes divisions qu’ils évaluent, ils participent à la constitution de hiérarchies entre des décisions concurrentes. Les contrôleurs de gestion cherchent en quelque sorte à instituer de « bons biais » dans les comportements qu’ils étudient, à améliorer les résultats de leurs études sans pour autant les falsifier. Ils en viennent ainsi à imposer certaines formes d’organisation du travail qui favorisent la mesure et réduisent les risques de manipulation des résultats, outrepassant ainsi leur supposée neutralité.

Mots clés : Gestion ; Service public ; Chômage ; Management ; Organisation ; Indicateurs de performance.

Abstract

Although the idea of public policy management is now widespread in France, little is known about the work of public management accountants. In France’s Jobcentre Plus (Pôle emploi), their task is to measure administrative efficiency. Officially without hierarchical authority, they attempt to paint an objective picture of the environment and operation of Pôle emploi, in order to help managers make decisions. This article casts light on the work demanded by the implementation of new public management in the middle echelons of the public employment service. It shows that in the case of Pôle emploi, the influence of management accountants arises from their capacity to measure the performance of their department, which itself depends on their ability to legitimise their weltanschauung with the actors who actually have the power to decide. Through comparisons of results from the different divisions they assess, they contribute to the creation of hierarchies between competing decisions. Management accountants in a sense seek to establish the “right bias” in the behaviours they study, in order to improve the results of their studies without falsifying them. In consequence, they ultimately impose certain forms of organisation that foster measurement and reduce the risk of manipulating results, thereby undermining their supposed neutrality.

Keywords : Management ; Public service ; Unemployment ; Management ; Organisation ; Performance indicators ; Blame avoidance.

DOI : 10.1016/j.soctra.2015.12.006

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Les dimensions cachées du travail en open space. Le cas de téléconseillers en centres d’appels

The Hidden Dimensions of Open Plan Offices : The Case of Call Centre Agents

Jérôme Cihuelo

Résumé

La tertiarisation de l’économie et le développement de modes d’organisation recherchant la transversalité des échanges s’accompagnent d’une redéfinition des espaces de travail. L’aménagement des bureaux en open space s’est imposé ces deux dernières décennies comme une norme d’organisation spatiale du travail. Dans cet article, nous rendons compte des modes d’investissement et de réalisation de l’activité au sein de plateformes téléphoniques ouvertes accueillant des téléconseillers regroupés sur des bureaux partagés. Il s’agit de dépasser l’approche dominante dans les sciences sociales, privilégiant le travail sur l’espace, aux fins de développer une analyse du travail (de service) dans et avec l’espace. Dans cette perspective, nous montrerons que la constitution de significations et de marges d’autonomie ne relève pas seulement du réinvestissement d’un espace fonctionnel, mais aussi d’une action de superposition d’espaces de natures différentes : pratique, symbolique et sociale.

Mots clés : Centre d’appels ; Open space ; Plateau ; Normes relationnelles ; Appropriation ; Coulisses ; Micro-culture

Abstract

The expansion of the service sector and the development of methods of organisation designed to foster transversal communication, has also entailed a remodelling of the workplace. In the last two decades, open plan offices have emerged as the standard spatial layout of the workspace. In this article, we explore occupancy modes and working practices in open plan call centres where agents work together at shared desks. The aim is to go beyond the dominant social science approach, which emphasises work on space, in order to develop an analysis of (service) work in and with space. In this approach, we show that the establishment of meanings and margins of autonomy not only reflects new ways of occupying a functional space, but also a process of layering between spaces of different kinds : practical, symbolic and social.

Keywords : Call Center ; Open Plan ; Platform ; Relational Norms ; Appropriation ; Backstage ; Micro-culture

DOI : 10.1016/j.soctra.2015.12.002

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Comptes rendus

Les comptes rendus sont téléchargeables (PDF) en cliquant sur leurs titres, ci-dessous.

Global Knowledge Production in the Social Sciences. Made in Circulation, W. Keim, E. Çelik, C. Ersche, V. Wöhrer (Eds). Ashgate, Dorchester (2014). 288 p.
Thibaud Boncourt

L’introduction du marxisme en France. Philosoviétisme et sciences humaines, 1920-1939, I. Gouarné. Presses universitaires de Rennes, Rennes (2013). 290 p.
Mathieu Hauchecorne

Du temps acheté. La crise sans cesse ajournée du capitalisme démocratique, W. Streeck [traduit de l’allemand par Frédéric Joly]. Gallimard, Paris (2014). 400 p.
Bernard Gazier

Think Tanks in America, T. Medvetz. University of Chicago Press, Chicago (2012). 344 p.
Dorota Dakowska

Inside the Castle. Law and the Family in 20th Century America, J. L. Grossman, L. M. Friedman. Princeton University Press, Princeton and Oxford (2011). 444 p.
Émilie Biland

Mobilisations syndicales et violences au Sud. Protester dans les usines de la sous-traitance internationale au Guatemala, Q. Delpech. Karthala, Paris (2013). 224 p.
Émilien Julliard

La CFDT : sociologie d’une conversion réformiste, C. Guillaume (Ed.). Presses universitaires de Rennes, Rennes (2014). 276 p.
Claude Roccati

Passer les frontières sociales. Comment les « filières d’élite » entrouvrent leurs portes, P. Pasquali. Fayard, Paris (2014). 464 p.
Clément Rivière

De l’école à la scène. Entrer dans le métier de comédien·ne, V. Rolle, O. Moeschler. Antipodes, Lausanne (2014). 222 p.
Marie Buscatto

Bien ou mal payés ? Les travailleurs du public et du privé jugent leurs salaires, C. Baudelot, D. Cartron, J. Gautié, O. Godechot, M. Gollac, D. Senik. Éditions de la rue d’Ulm, Paris (2014). 228 p.
Cédric Hugrée

Les mondes du travail politique. Les élus et leurs entourages, D. Demazière, P. Le Lidec (Eds). Presses universitaires de Rennes, Rennes (2014). 266 p.
Eleanor Breton

La Fabrique de la vente. Le travail commercial dans les télécommunications, E. Kessous, A. Mallard. Presses des Mines, Paris (2014). 302 p.
Benoit Giry

L’artisanat français. Entre métier et entreprise, C. Mazaud. Presses universitaires de Rennes, Rennes (2013). 218 p.
Thomas Collas

Du cœur à l’ouvrage. Les artisans d’art en France, A. Jourdain. Belin, Paris (2014). 352 p.
Carine Ollivier

La Banlieue du « 20 heures ». Ethnographie de la production d’un lieu commun journalistique, J. Berthaut. Agone, Marseille (2013). 432 p.
Laurent Bonelli

La question halal. Sociologie d’une consommation controversée, C. Rodier. Presses universitaires de France, Paris (2014). 210 p.
Diane Rodet

Sexualité, J. Weeks. Presses universitaires de Lyon, Lyon (2014). 310 p.
Mathieu Trachman

Militant Lactivism ? Attachment Parenting and Intensive Motherhood in the UK and France, C. Faircloth. Berghahn Books, New York (2013). 278 p.
Tania Navarro Rodriguez

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